Un canari dans la mineNote d'intention de Magali Baribeau-Marchand
À travers cette période de recherche et de ressourcement que constitue mon passage au BPS22, je tente de définir ma propre vision d’une écologie de l’attention, qui m’amène à prendre le temps de percevoir poétiquement mon environnement immédiat en m’attardant sur l’infra-ordinaire qui s’y déroule. Observant ainsi les mouvements subtils de mon quotidien à Charleroi, je me suis intéressée aux manières de vivre des oiseaux avec qui nous cohabitons.
Lors de déambulations dans la ville, j’ai capté des images vidéo d’oiseaux en vol. Ces oiseaux si communs qu'il semble même parfois qu'on oublie leur présence. Tentant d’établir un parallèle entre l’image vidéo oscillante des volatiles en mouvement et les gestes frémissants de l’oiseau, j’ai décidé d’adopter un canari afin d’en apprendre davantage sur ses façons d’être au monde : par son chant, par les indices communicatifs de son corps et en étant attentive à ses besoins.
La métaphore du canari dans la mine oriente mes explorations artistiques et ma recherche conceptuelle. À l’époque de la pleine activité d’extraction des mines de charbon, d’ailleurs très symbolique dans la région du Hainaut, les mineurs amenaient avec eux sous terre des canaris en cage comme indicateurs des catastrophes à venir. Très sensibles aux émanations toxiques, les canaris, sortes de devins, sentaient venir les coups de grisou en s’affolant. Cette agitation comme signe avant-coureur devenait un indice crucial pour éviter le pire.
Faisant de la sensibilité de l’oiseau mon sujet de travail, je propose de partager une expérience de présence avec le public, celle de cohabiter temporairement avec mon canari, dans un espace d’intervention artistique temporaire au 14 Passage de la Bourse. Durant une semaine, j’invite les passants à venir se confier à mon canari, seul à seul, afin de vivre avec lui un moment d’échanges sans contrepartie.
Durant mon séjour d’intervention artistique, je poursuivrai mes pistes d'exploration en vidéo inspirées des films d’amateurs et du journal filmé, tout en déployant des actions artistiques spontanées et éphémères autour de l’imprimé et du texte.
Axée avant tout sur la rencontre et l’expérimentation, cette résidence (accélérée) dans la résidence me permettra de produire le contenu d’un livre d’artiste, ainsi que différents éléments vidéographiques et installatifs. Ainsi, je me rapprocherai du sentiment de l’oiseau qui, lui aussi, devra apprivoiser un nouvel environnement et construire sa nouvelle vie temporaire en s’adaptant aux hasards parfois féconds, parfois confrontants de la rencontre avec l’autre.